Hier matin, en quittant le gîte de l'Alchimiste à Navarrenx, je ne trouva pas mon bâton. Je l'ai cherché partout, dedans, dehors, sous mon lit, même dans des endroits ne pouvant pas le contenir. Une pensée terrifiante me traversa: je l'aurai posé contre la maison, dans la rue, et quelqu'un l'aura emporté. Car bien entendu, tout le monde rêve de posséder mon bâton. Celui que j'ai taillé avec grand soin il y a quelques années, présentés aux 4 éléments, animé dans des lieux sacrés. Disparu. Un flot de tristesse m'envahit. Je m'imaginais cheminer sans lui et eus un sentiment d'abandon. Comment allais-je passer devant les chiens ? Et surtout qu'allais-je faire avec ma main, qui l'a si fidèlement et parfaitement tenu, au long de tous ces kilomètres, sans relâche, avec régularité et précision ? Comment pourra-t-elle se sentir utile ? A l'image du fumeur qui tripotte sa cigarette dans l'attente de l'allumer, qu'allais-je donc donner à tripotter à ma main, pour la contenir pendant de si longues heures de marche ? Il me vint bien une idée, qui n'est pas la même que vous, mais il n'est plus nécessaire de tenir mon nouveau chapeau, puisqu'il s'attache. Je sentis le vide. C'est alors qu'une petite ampoule s'alluma dans ma tête, me disant que l'heure n'était peut-être pas au deuil ni à la résignation. Et une autre, simultanément (c'est dire comment ça fonctionne bien, là-haut) me rappelant qu'un jour, j'ai cru que je m'étais fait voler ma voiture, alors qu'elle était simplement garée ailleurs que là où j'avais cherché. A la vitesse de Plonk au minimum, un lien se fit: garée, égaré... Je couru à l'église de Navarrenx, ou je m'étais reposé la veille. Il était là, tel que je l'avais laissé. Tel un ami. Simplement présent, disponible et disposé à faire encore un bout de chemin avec son pèlerin. Mais au fait, suis-je également un ami pour lui?